Proclamation
Nissage Saget
Président d’Haïti
Au peuple et à l'Armée
Hier, à 8 h du matin, deux frégates de la Marine de guerre allemande prenaient mouillage dans la rade du Port-au-Prince et, deux heures après, le capitaine de vaisseau Batsch, chef de l'expédition, adressait au gouvernement une dépêche sous forme d'ultimatum dans le paiement, à son bord, avant le coucher du soleil d'une somme de 3000 livres sterling, évaluation indemnités réclamées pour deux sujets allemands.
L’une des réclamations a été vérifiée par une commission qui a conclu à une indemnité de 5000 piastres en faveur du réclamant. L'autre n'a jamais été examiné par le gouvernement qui porte sur les faits qui se sont déroulés il y a déjà sept ans.
Le gouvernement pouvait à bon droit protester contre un ultimatum lancé, sans négociations préalables, en dehors de toute règle du droit international. Il conserva néanmoins son calme et sa dignité, et fit savoir au capitaine de vaisseau Batsch sa manière d'envisager les réclamations présentées et son désir de les régler conformément à l'équité et à la justice.
Le commandant allemand ne comptait aucun compte de ces déclarations franches et loyales et à l'entrée de la nuit, abusant des forces dont il disposait, il s’abattit sur deux de nos navires de guerre mouillés à l'encre dans la rue et s'en empara.
Je dénonce ce fait sans précédent dans l'histoire des nations. À toutes les nations du Globe au gouvernement allemand lui-même qui, certes, n'a pu donner des instructions à ses agents pour méconnaître ainsi tous les principes séculaires du droit et de la justice, base de toutes sociétés civilisée.
Haïtiens, je vous dénonce aussi se faire dont vous avez assurément compris la portée : votre attitude calme et digne dans la circonstance me l'a surabondamment prouvé.
C'est mon devoir de protéger dès à présent contre cet abus de la force. Cet acte de violence exercé dans nos eaux par le capitaine Batch de la frégate allemande Venita.
Vous m'avez appelé à diriger vos destinées, vous savez qui je suis, ce n'est pas le moment de vous renouveler une profession de foi.
Mon devoir, je le connais ; mais le gouvernement a cédé, sous toutes réserves devant la manifestation calculée d'une force brutale dont les conséquences seraient de plonger le pays dans des calamités sans nombre.
En ce moment, le capitaine de vaisseau Batsch est satisfait et nos navires nous sont rendus.
Haïtiens, c'est l'heure de resserrer nos rangs, de chasser de nos cœurs tout ressentiment afin d'opposer une résistance invincible aux attaques pour qui pourrait être dirigées contre notre nationalité.
Depuis deux mois, les grands pouvoirs de l'État sont en présence. Ils sont unis car ils poursuivent le même but, le bonheur du peuple.
À vous, citoyens, à prouver maintenant votre bon sens, à montrer les nobles sentiments qui nous animent. En vous unissant à nous pour que le travail de transformation auquel je vous convie ne soit pas enrayé dans sa marche.
Vive la liberté! Vive l'indépendance! Vive la République! Vive la constitution!
Donné au palais de peau du port au prince, le 12/6/1872 an 60, 9e de l'indépendance.
NISSAGE SAGET
Par le Président:
Le secrétaire d'État au département de la guerre et de la Marine.
S. LIAUTAUD
Le secrétaire d'État au département de l'Intérieur. Et de l'agriculture ?
DAMIEN
Le secrétaire d'État au département des finances, du commerce et des relations extérieures.
L. ETHREART
Le secrétaire d'État au département de la justice et de l'instruction publique et des cultes.
O. RAMEAU