Au quartier-général du Haut-du-Cap, 28 brumaire an XII
(dimanche, 20 novembre 1803).
Le général en chef de l’armée indigène,
Au général Gérin.
Il n’y a plus de doute, mon cher général, le pays nous reste ; et le fameux à qui l’aura est décidé.
Rochambeau, le redoutable Rochambeau, s’est humanisé au point de capituler et de signer un traité qui ne lui fera pas beaucoup d’honneur auprès des généraux français qu’il a accusés de s’être mal défendus. Une seule affaire, celle d’avant-hier, lui a suffi pour lui faire déclarer notre supériorité.
J’ai auprès de moi l’adjudant-général Devaux qu’il m’a envoyé en otage pour sûreté de nos conventions.
Croiriés-vous qu’il est devenu si bon, qu’il a fait imprimer, publier el afficher une lettre par laquelle je promets ma protection aux habitans blancs qui voudront rester sous mon gouvernement ? Je vous envoie cette pièce unique dont le porteur de l’original a été l’adjudant-général même qui a signé les articles de la capitulation. Il est inutile de vous dire qu’aux termes du traité, tout me sera remis dans le meilleur état, — ville, armes, munitions, artillerie et arsenaux ; vous savez à quel point je suis exigeant envers mes ennemis.
Rochambeau est si disposé à m’abandonner tout ce que j’ai demandé, qu’il me laisse jusqu’à ses malades, les blessés et les convalescents que je me charge d’embarquer pour France, à leur PARFAITE GUÉRISON ; cela me sera un peu difficile, mais il faut bien faire quelque chose pour des gens qui nous traitent si loyalement.
Portés-vous bien, mon cher général, donnés-moi de vos nouvelles et comptés beaucoup sur mon attachement.
Je vous salue. DESSALINES.
Nota : Cette lettre a été écrite par Loret, aide de camp et secrétaire de Dessalines. La signature est néanmoins de Jean-Jacques Dessalines. (Etude sur l'histoire d'Haiti, tome 5, Beaubrun Ardouin)