ARMÉE
DE
SAINT-DOMINGUE
Au quartier général du Cap Français...,
an douzième de la République Française.
Dembowsky*, adjudant commandant
Mes chers et bons parents !
Enfin nous voilà bientôt aux termes de nos vœux. Encore dix jours et nous quittons Saint-Domingue, dont la situation est très critique. Nous manquons de tout, il fallait cette dernière extrémité pour déterminer le chef de l'armée française de conclure un armistice avec les brigands. Il l'a fait avec la réserve d'évacuer la ville du Cap en dix jours.
Nous nous flattons que les Anglais nous permettrons d'aller tranquillement en France. Cet espoir nous comble de joie; jugez bonne maman, si ma femme la partage. Nous aurons donc le bonheur de revoir Patrie, parents, amis!... Cette idée seule suffit pour nous faire oublier les malheurs qui nous ont sans cesse poursuivis à Saint-Domingue.
Maintenant, puissions-nous réussir dans les négociations entamées avec les Anglais. Ils croisent presque continuellement dans la passe de la rade. Il devient impossible à nos trois frégates de leur échapper, car ils sont nombreux, bons marins, avec une parfaite connaissance de ce passage, ainsi que des cotes. Nonobstant cette conviction, nous avons tous reçu l'ordre de nous approvisionner pour cinquante jours. Les magasins du gouvernement ont fourni pour le même espace de temps, les équipages et les troupes qui doivent passer sur chaque bâtiment.
Nota : Louis-Mathieu Dembowski est né le 24 août 1768 dans la ville polonaise de Gora. Il servit dans l'armée polonaise pendant de nombreuses années avant de rejoindre l'armée française dans la légion polonaise. Il rejoindra l'armée française fin 1802 à Saint-Domingue comme chef de brigade. Face à la débâcle des troupes françaises dans l'ile, le général Rochambeau capitula le 19 novembre 1803 après la bataille de Vertières. Dembowski en tentant de rentrer en France avec d'autres militaires français, fut capturé par les Anglais et fut fait prisonnier à la Jamaïque. À sa libération, il entra en France à la fin de l'année 1804. (Source : Revue Carnet de la Sabretache, 1913)