Lettre adressée au Président Jean-Pierre Boyer par Marie Louise Coidavid, veuve d'Henry Christophe, la veille de son départ pour l'exil

Lettre adressée au Président Jean-Pierre Boyer par Marie Louise Coidavid, veuve du Roi Henry Christophe, la veille de son départ pour Londres


Au Port-au-Prince, ce 31 juillet 1824, an XIII.

À Son Excellence le Président d'Haïti.

Président,

Sur le point de quitter pour quelque temps ce beau pays, cette patrie qui nous a vues naître et que nous ne cesserons jamais de chérir, moi et mes filles nous éprouvons le besoin de vous exprimer autrement que de vive voix, toute la reconnaissance que nous ressentons des procédés généreux dont V. E. a usé envers nous depuis neuf mois passés,

Recevez, Président, les nouvelles et solennelles assurances du souvenir n profond que nous en conserverons.

Dans nos malheurs, nous avons trouvé en vous un protecteur, un ami, un frère... Nos cœurs en sont pénétrés d'admiration.

Nous vous prions de nous continuer les mêmes dispositions, et nous connaissons assez votre âme pour être assurées que cette prière ne sera pas vaine. Nous faisons la même prière à votre famille et à la fille de votre immortel prédécesseur, auxquelles nous promettons le plus tendre souvenir.

Je laisse au Cap une partie de ma famille et de celle de feu mon mari; je les recommande à toute votre bienveillance. 

Je mets sous votre puissante sauvegarde et sous celle de l'honneur de » mes concitoyens qui m'ont accueillie avec tant de bienveillance, et la maison que je possède depuis longues années au Cap, et celles que mes filles » et moi avons acquises et payées comptant aux domaines, lors des ventes qui ont été faites par l'État.

Pensant que les importantes et nombreuses occupations du chef de l'État, mon puissant ami, ne lui permettraient pas de régir pour moi ces diverses propriétés, j'ai donné ma procuration au général MAGNY. 

Je prie V. E. de l'appuyer de toute sa protection à cet effet. Une grande infortune ne peut intéresser qu'un grand homme; les indiscrétions que la mienne me met dans le cas de commettre seront, à ce titre, mises par vous, au chapitre des exceptions auquel elles appartiennent.

Je le répète, Président, dans nos malheurs vous vous êtes montré notre protecteur, notre ami, notre frère, et ces titres m'ont portée à vous demander ces nouveaux et importants services: je sais que vous me les rendrez.

Je suis, avec respect, Président, de V. E., la très-reconnaissante citoyenne et amie.

Veuve HENRY CHRISTOPHE.
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