Cet article de Céligny Ardouin est paru dans le numéro du journal l'Union en date du 22 Septembre 1839.
Dès qu'un peuple aspire à l'indépendance, il sent le besoin de se donner un air d'individualité, il lui faut un signe de ralliement, une couleur qui devienne un trait caractéristique de la Nation un symbole de ses sentimens. L'histoire de tous les peuples justifie cette observation et celle d'Haïti transmettra aussi à la postérité l'origine de ses couleurs nationales comme un monument glorieux du courage de ses enfans. Elle dira dans quelles circonstances les Haïtiens, résolus de vaincre pour se constituer en nation souveraine adoptèrent l'étendard sacré à l'ombre duquel ils fondèrent non seulement leur liberté mais encore une patrie pour tous les opprimés de leur race. Comme nous ne nous ressouvenons pas qu'on ait encore esquissé les causes de l'adoption de nos couleurs et de nos armés nous croyons devoir en parler aujourd'hui.
Le monde entier sait que St. Domingue colonie française subit l'influence de la révolution qui changea la face de la France elle dut recevoir avec les lois nouvelles de la métropole, les couleurs que la nation française avait adoptées. Lors donc que le premier consul envoya une armée dans cette île pour y rétablir l'esclavage que la France avait légalement aboli en reconnaissant le grand principe de la liberté antérieur à la loi Cette armée trouva les troupes coloniales en possession du drapeau français sur lequel l'astucieux consul, quelques mois auparavant, avait même fait écrire ces mots en lettres d'or « Braves noirs souvenez-vous, que le peuple français seul reconnaît votre liberté et l'égalité de vos droits ». C'est sous ce drapeau que Toussaint Louverture tenta infructueusement de résister à Leclerc. Il n'y a donc eu rien d'étonnant que le célèbre Dessalines l'ait conservé quelque tems, lorsqu'il eut pris les armes avec H. Christophe et Clervaux à l'instigation d'Alexandre Pétion qui leur en avait tracé l'exemple ayant sous ses ordres les valeureux Geffrard et Jean-Louis François.
Mais dès que Pétion eût reconnu que l'insurrection prenait de la consistance et que les indigènes se ralliaient chaque jour davantage au général en chef, il conseilla à Dessalines d'adopter de nouvelles couleurs pour prouver aux français la détermination qu'ils avaient prise de rendre le pays indépendant -de la France. Contre son attente il trouva en Dessalines une sorte d'hésitation à changer de drapeau, bien qu'il fût aussi décidé qu'aucun de ces guerriers à proclamer l'indépendance. C'est ainsi qu'on l'a vu ensuite s'attacher au titre de gouverneur-général qu'avait porté Toussaint Louverture même après que la nation eût chassé les Français titré qui convenait si peu au chef d'un peuple souverain, que bientôt après il prit celui d'empereur.
Cependant la 13ème 1/2 brigade que commandait Pétion ayant perdu un de ses étendards dans un combat qui eut lieu dans la plaine du Cul-de-Sac les Français conçurent l'espoir que les indigènes resteraient soumis à la métropole puisqu'ils en conservaient les couleurs ce fut le dernier argument qui triompha de l'hésitation de Dessalines. Il ordonna aussitôt que la couleur blanche fût retranchée du drapeau, parce que pour lui comme pour la plus grande partie des indigènes qui ignoraient l'origine du drapeau tricolore. Ce signe représentait l'union des trois espèces d'hommes qui formaient la population de St.-Domingue, savoir les noirs, les mulâtres et les blancs. Et comme le dessein d'exclure les blancs de la patrie qu'on allait fonder était dès lors une résolution irrévocable il fallait bien que la couleur blanche disparût du pavillon national.
Ainsi, conservant encore une trace de son origine le drapeau haïtien durant la guerre de l'indépendance et sous le, gouvernement de Dessalines eut les deux couleurs placées verticalement à l'exception que la couleur bleue fut changée en couleur noire d'après un article de la constitution impériale. Après la mort de Dessalines H. Christophe conserva le même drapeau qu'avait adopté l'Empereur. Mais lorsque la République fut fondée, A. Pétion lui donna une nouvelle forme en plaçant les couleurs bleue et rouge horizontalement telles qu'on les voit aujourd'hui, autant pour distinguer le signe de ralliement de la République de celui de l'usurpateur du Nord, que pour établir une plus grande différence entre le pavillon national et le drapeau français. C'est encore A. Pétion qui fit lui-même le dessein des armes de la République pu l'on voit le majestueux Palmiste, arbre de la Liberté à Haïti ombrageant de ses rameaux les couleurs nationales qui ornent si gracieusement ce trophée et qui sont le Symbole de l’union des Haïtiens.
Merci mon frère
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