Adresse de Jean-Pierre Boyer aux Sénateurs de la République à propos de sa volonté de réunir les deux parties de l'ile d'Haïti

 


Citoyens sénateurs,

L’art. 40 de l’acte constitutionnel a donné à la République, pour limites, toute l’étendue de l’ile de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud ; et les îles qui en dépendent. Tant que nous avions à pacifier certaines parties du Sud, de l’Ouest et du Nord, il eut été imprudent de songer à donner à nos frères de l’Est la direction naturelle qu’ils doivent avoir, en les faisant rentrer sous les drapeaux de la patrie ; car il eût été raisonnable de penser que les hommes qui, dans une autre circonstance, leur avaient donné une direction opposée à leurs intérêts et aux nôtres, auraient encore cherché à faire naître en eux de l’opposition. Et plutôt que de faire gémir l’humanité en fournissant aux méchans et aux insensés l’occasion de répandre le sang humain, toutes les veilles, toute la sollicitude du gouvernement n’ont tendu qu’à opérer une révolution morale qui, en amenant nos frères de l’Est à partager les avantages de notre constitution, aurait fourni une garantie puissante aux Haïtiens général, contre ceux qui, tôt ou tard, pourraient vouloir lui disputer sa liberté et sen indépendance.

Cette révolution avait déjà commencé sa marche. Les bonnes dispositions des habitans des anciennes frontières, les communications de quelques citoyens notables des parties les plus distantes, me faisaient espérer que bientôt les choses arriveraient à leur maturité naturelle, lorsque tout à coup, des hommes qui paraissaient être vendus aux cabinets étrangers ont proclamé à Santo-Domingo, le 1er de ce mois, une déclaration d’indépendance et une constitution provisoire, toutes diamétralement opposées aux intérêts communs du peuple de toute l’Ile.

Sénateurs, vous connaissez les deux actes qui nous sont parvenus sur cette affaire ; il n’est pas besoin d’en rappeler ici le contenu.

Voilà la République placée dans une crise politique de la plus haute importance, et qui demande un concours aussi prompt qu’énergique de toutes les autorités auxquelles sont confiées les destinées d’Haïti.

Si la responsabilité de la tranquillité publique, du maintien de l’État dans son intégrité pèse sur moi, sénateurs, le dépôt sacré de la constitution est aussi sous votre responsabilité. Je viens donc proposer à vos sages délibérations les solutions écrites aux questions suivantes :

1° Pouvons-nous souffrir que, contre les dispositions de l’art. 40 de la constitution, un État séparé de la République se forme et se maintienne dans l’Est de notre territoire ?

2° Si les habitans de l’Est de notre territoire étaient, en tout ou en partie, sourds à la voix pacifique du gouvernement, quel parti faudrait-il prendre à leur égard ?

3° Pouvons-nous, dans aucun cas, souffrir que des principes constitutifs contraires à ceux qui nous régissent et que nous avons tous juré d’observer, soient établis sur la même terre que la nôtre ?

Voilà ce qu’il importe de décider avec la plus grande promptitude.

N’oublions pas que nous occupons une île dont toutes les côtes, étant accessibles, nécessitent que toute sa population soit une et indivisible et sous une même direction, pour fournir à son indépendance des garanties indispensables à son maintien.

Le cas est urgent, citoyens sénateurs ; vos délibérations doivent être promptes, et j’attendrai vos avis pour me décider sur ce que mon devoir m’impose de faire en cette circonstance extraordinaire.

J’ai l’honneur, citoyens sénateurs, de vous saluer avec une condération bien distinguée.

Signé : Boyer.

Traduccion al Español


Ciudadanos senadores,

El artículo 40 de la Ley Constitucional da a la República, para los límites, la extensión total de la isla de Este a Oeste y de Norte a Sur, y las islas que dependen de ella. Mientras tuviéramos que pacificar ciertas partes del Sur, el Oeste y el Norte, hubiera sido imprudente pensar en dar a nuestros hermanos del Este la dirección natural que deberían tener, haciéndolos regresar bajo las banderas de la patria ; porque hubiera sido razonable pensar que los hombres que, en otra circunstancia, les habían dado una dirección opuesta a sus intereses y a los nuestros, aún hubieran tratado de crear oposición en ellos. Y en lugar de hacer gemir a la humanidad proporcionando a los malvados y a los dementes la oportunidad de esparcir sangre humana, todas las vigilias, toda la solicitud del gobierno solo han tendido a operar una revolución moral que, al traer a nuestros hermanos del Este a compartir los beneficios de nuestra constitución, habría proporcionado una poderosa garantía a los haitianos en general, contra aquellos que tarde o temprano podrían querer desafiar su libertad e independencia.

Esta revolución ya había comenzado su marcha. La buena disposición de los habitantes de las antiguas fronteras, las comunicaciones de algunos notables ciudadanos de las partes más lejanas, me hicieron esperar que pronto las cosas llegaran a su madurez natural, cuando de repente, hombres que parecían ser vendidos a empresas extranjeras proclamaron en Santo Domingo, el 1 de este mes, una declaración de independencia y una constitución provisional, todas diametralmente opuestas a los intereses comunes del pueblo de toda la Isla.

Senadores, conocen las dos leyes que nos han llegado sobre este asunto; no hay necesidad de recordar el contenido de ellas aquí.

Esta es la República que se encuentra en una crisis política de suma importancia y que requiere la asistencia rápida y enérgica de todas las autoridades encargadas de los destinos de Haití.

Si la responsabilidad por la tranquilidad pública, por el mantenimiento del Estado en su integridad me pesa, senadores, el sagrado depósito de la constitución también está bajo su responsabilidad. Por lo tanto, he venido a proponer a sus sabias deliberaciones las soluciones escritas a las siguientes preguntas :

1 ° ¿Podemos sufrir que, contrariamente a lo dispuesto en el artículo 40 de la Constitución, se esté formando y manteniendo un Estado separado de la República en el este de nuestro territorio?

2° Si los habitantes del este de nuestro territorio fueran, en todo o en parte, sordos a la voz pacífica del gobierno, ¿qué partido deberíamos tomar hacia ellos?

3 ° ¿ Podemos, bajo ninguna circunstancia, sufrir que principios constitutivos contrarios a los que nos gobiernan y que todos hemos jurado observar, se establezcan en la misma tierra que la nuestra?

Eso es lo que es importante decidir con la máxima prontitud.

No olvidemos que estamos ocupando una isla cuya costa entera, al ser accesible, requiere que toda su población sea una e indivisible y bajo la misma gestión, para proporcionar a su independencia garantías esenciales para su mantenimiento.

El caso es urgente, ciudadanos senadores; sus deliberaciones deben ser rápidas, y esperaré sus opiniones para decidir qué es lo que mi deber requiere que haga en esta extraordinaria circunstancia.

Tengo el honor, honorables senadores, de saludarlos de una manera muy distinguida.

Firmado: Boyer.
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