En désaccord avec la France sur l'esclavage, des colons français reconnaissent la souveraineté du Roi d'Angleterre sur la colonie de Saint-Domingue


Propositions faites le 25 février 1793, à S. M. B. [Sa Majesté Britannique], par les propriétaires français de l’île de Saint-Domingue résidans en Angleterre, approuvées par les propriétaires et habitans de la Grande-Anse, représentés par M. Pierre Venault de Charmilly, propriétaire de Saint-Domingue, porteur de leurs pouvoirs, par brevet du conseil de sûreté dudit lieu, en date du 18 août même année, et présentés à Son Excellence Adam Williamson, lieutenant-gouverneur de la Jamaïque, etc.


Article 1er. Les habitans de Saint-Domingue ne pouvant recourir à leur légitime souverain pour les délivrer de la tyrannie qui les opprime, invoquant la protection de S. M. B., lui prêtant serment de fidélité, la supplient de lui conserver la colonie, et de les traiter comme bons et fidèles sujets jusqu’à la paix générale, époque à laquelle S. M. B., le gouvernement français et les puissances alliées décideront définitivemeat entre elles de la souveraineté de Saint-Domingue. — Accordé l’arlicle 1er.

2. Jusqu’à ce que l’ordre et la tranquillité soient rétablis dans la colonie, le représentant de S. M. B. aura tout pouvoir de régler et d’ordonner toutes les mesures de sûreté et de police qu’il jugera convenables. — Accordé l’article 2.

3. Personne ne pourra être recherché pour raison des troubles antérieurs ; excepté ceux qui seront juridiquement accusés d’avoir provoqué ou exécuté des incendies et des assassinats. — Accordé l’article 3.

4. Les hommes de couleur auront tous les privilège dont jouit cette classe d’habitans dans les colonies anglaises. — Accordé l’article 4.

5. Si, à la conclusion de la paix, la colonie reste sous la domination de la Grande-Bretagne, et que l’ordre y soit rétabli, alors les lois relatives à la propriété, à tous les droits civils qui existaient dans ladite colonie avant la révolution de France, seront néanmoins conservées jusqu’à la formation d’une assemblée coloniale ; S. M. B. aura le droit de la tenir provisoirement ainsi que l’exigera le bien général et la tranquillité de la colonie ; mais aucune assemblée ne pourra être convoquée qu’après le rétablissement de l’ordre dans tous les quartiers de la colonie. Jusqu’à cette époque, le représentant de S. M. B. sera assisté, dans tous les détails de police et d’administration, par un comité de six personnes qu’il devra choisir parmi les propriétaires des trois provinces de la colonie. — Accordé l’article 5.

6. Attendu les incendies, insurrections, révoltes des nègres, vols et pillages qui ont dévasté la colonie, le représentant de S. M. B., au moment où il prendra possession de la colonie, pour satisfaire à la demande qu’en font les habitans, les a autorisés à proclamer qu’il accorde, pour le paiement des dettes, un sursis de dix années, qui commenceront à courir du jour de la prise de possession ; et la suspension des intérêts commencera à courir depuis l’époque du 1er août 1791, pour n’expirer qu’à la fin des dix dites années de sursis accordées pour le paiement des dettes ; et cependant ne pourront être comprises dans lesdits sursis les dettes pour compte de tutèle et compte de gestion des biens des propriétaires absens, et aussi les dettes pour tradition de fonds de propriétaires. — Accordé l’article 6.

7. Les droits d’importation et d’exportation pour les denrées et marchandises d’Europe seront réglés sur le même pied que dans les colonies anglaises. — Accordé l’article 7. En conséquence, le tarif sera rendu public et affiché, pour que personne n’en ignore.

8. Les manufactures de sucre blanc conserveront le droit d’exporter leurs sucres, tenus sujets aux règlemens des droits qu’il sera nécessaire de faire à cet égard. — Accordé l’article 8. Les droits sur les sucres blancs seront les mêmes que ceux qui étaient perçus dans la colonie de Saint-Domingue, en 1789.

9. La religion catholique sera maintenue sans acception d’aucun autre culte évangélique. — Accordé l’article 9, à condition que les prêtres qui auront prêté serment de fidélité à la République seront renvoyés et remplacés par ceux réfugiés dans les États de S. M. B.

10. Les impositions locales, destinées à acquitter les frais de garnison et d’administration de la colonie, seront perçues sur le même pied qu’en 1789, sauf les modifications et décharges qui seront accordées aux habitans incendiés, jusqu’au moment où leurs établissemens seront réparés. Il en sera tenu en conséquence compte par la colonie de toute les avances qui pourront être faites par la Grande-Bretagne, pour suppléer au déficit desdites impositions. Ledit déficit, ainsi que toutes les autres dépenses publiques de la colonie (autres que celles relatives aux escadres de vaisseaux du roi qui y seront employées), seront défrayés par la colonie. — Accordé l’article 10.

11. Le représentant de S. M. B. à Saint-Domingue s’adressera au gouvernement espagnol, pour la restitution des nègres et des animaux vendus dans son territoire par les nègres révoltés. — Accordé l’art. 11.

12. L’importation des vivres, bestiaux, grains et bois de toute espèce, des États-Unis de l’Amérique, sera permise à Saint-Domingue sur des vaisseaux américains. — Accordé l’article 12, pourvu que les bâtimens américains n’aient, qu’un seul port d’importation ; cette importation aura lieu tant qu’elle paraîtra nécessaire pour l’approvisionnement et le rétablissement de la colonie, ou jusqu’à ce qu’on ait pris des mesures pour la mettre à cet égard sur le même pied que les colonies anglaises. Il sera tenu un état exact des vaisseaux, avec la description de leur cargaison, lequel sera envoyé tous les trois mois aux commissaires de la trésorerie de S. M. B., ainsi qu’à un des principaux secrétaires d’État. Sous aucun prétexte, il ne sera permis auxdits vaisseaux de prendre en chargement aucune denrée de la colonie, à l’exception de la mélasse, du rhum et tafia.

13. Aucune partie des susdites propositions ne pourra être considérée comme une restriction au pouvoir qu’aura le parlement de la Grande-Bretagne de régler le gouvernement politique de la colonie. — Accordé l’article 13.

J’accorde les treize articles de la capitulation ci-dessus et des autres parts, suivant les conditions que j’ai faites en les accordant au nom de Sa Majesté Britannique.

San-Yago de la Véga, le 3 septembre 1793.

Adam Williamson.

J’accepte les treize articles de la capitulation ci-dessus et des autres parts, au nom des habitans de la Grande-Anse, avec les conditions faites par Son Excellence Adam Williamson, le 3 septembre 1793.

Venault De Charmilly.

Source : Etude sur l'histoire d'haiti (beaubrun ardouin)
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