La guerre en Ukraine ou l’échec des États-Unis et de l’Union européenne


Depuis le 24 février écoulé, des chars, des navires de guerre, des missiles antichars, des missiles de croisière, des Soukhoïs et des dizaines de milliers de soldats sont mobilisés en Ukraine. L’évènement tant redouté par tant de personnes en Ukraine, en Russie, en Europe, aux États-Unis-Unis et ailleurs est fini par arriver c’est-à-dire une guerre de haute intensité sur le territoire européen. Si cette guerre implique directement deux pays – la Russie et l’Ukraine –, la responsabilité n’incombe pas uniquement à ces deux États. C’est l’aboutissement de trois décennies d’erreurs, d’aveuglement des puissances euro-atlantiques réunies au sein de l’OTAN.

L’Organisation du Traité Atlantique Nord, mieux connue sous l’acronyme OTAN, est créée en 1949 par les États-Unis et ses alliés pour contrecarrer la puissance soviétique qui avec les États-Unis était la grande vainqueur de la seconde guerre mondiale. Contrairement à ce qui est souvent dit, l’OTAN n’a pas été créée pour contrecarrer le Pacte de Varsovie, car celui-ci a été créé juste après, en 1955. C’est plutôt l’inverse qui est vrai. L’existence des deux alliances militaires, avec la dissuasion nucléaire et la garantie d’une destruction mutuelle, a permis d'éviter la guerre sur le territoire européen. Ce qui était fort bien! Néanmoins, la décennie 80 a été une période de grande difficulté pour l’Union soviétique qui s’est, au début des années 90, écroulée comme un château de sable. Les conséquences immédiates sont l’indépendance des anciennes Républiques soviétiques, la dislocation du bloc oriental et surtout l’extinction du Pacte de Varsovie. A partir de ce moment-là, les États-Unis se sont affirmés comme la seule superpuissance du monde.

L'évolution de l'OTAN entre 1990 et 2022

La chute de l’Empire soviétique et la fin du Pacte oriental auraient dû logiquement conduire à la fin de l’OTAN puisque la menace que représentait l’Est avait disparue. Ce n’est pas ce qui a été fait. L’organisation a été maintenue. Lors des négociations entre les soviétiques et les principales puissances occidentales au crépuscule de l’Empire moscovite, les États-Unis avaient promis aux soviétiques qu’ils n’intégreraient aucun pays de l’ancien bloc socialiste dans l’OTAN, question de ne pas avancer vers les frontières de Moscou. Cette promesse, certes orale, dont ont été témoins de nombreux diplomates, n’a pas été tenue. Profitant de la faiblesse de la nouvelle Russie, l’organisation a intégré quasiment tous les pays européens de l’ancien camp oriental, exception faite de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie. Même les pays baltes – Lituanie, l’Estonie et la Lettonie – qui étaient des Républiques soviétiques, pas simplement de simples satellites soviétiques comme l’étaient la Pologne, la République tchécoslovaque et la Hongrie, sont intégrées à l’organisation euro-atlantique en dépit des protestations de la fébrile Russie. Ce qui fait que les infrastructures otaniennes sont dorénavant à quelques kilomètres des frontières russes. L’enclave russe de Kaliningrad est désormais encerclée par l’OTAN. Les États-Unis s’implantent même en Asie centrale, dans la sphère d’influence russe comme le Kirghizistan, qui fut une ancienne République de l’Union soviétique.

Les États occidentaux auraient pu profiter de la faiblesse de la Russie pour l’intégrer profondément dans le camp occidental c’est-à-dire de l’intégrer dans l’Union européenne voire dans l’OTAN étant donné qu’elle est maintenue. Les Russes voulaient au moins être impliqués dans l’action occidentale, car c’est un avant tout une puissance occidentale. Quoique que l’on dise plus de 75% des Russes vivent dans les oblasts de l’Ouest de la Fédération de Russie, c’est-à-dire dans la partie européenne du plus vaste pays de la Planète. Le président Poutine, dans son allocution du 21 février 2022 où il annonçait la reconnaissance par la Fédération de Russie des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, affirmait avoir demandé au président Clinton qui effectuait une visite dans la capitale russe ce qu’il pensait d’une adhésion à l’OTAN de la Russie, la réponse du président américain était assez retenue comme pour dire « non », à cette demande. La preuve que l’inclusion de la Russie à l’Ouest ne traversait pas la tête de la classe dirigeante de ces États. Ce qui est peut-être le signe du fait que les pays occidentaux et, les États-Unis, tout particulièrement ont besoin d’ennemis pour exister, pour justifier les gigantesques budgets militaires qui sont comme une aubaine pour l’industrie de l’armement washingtonien.

Il est clair qu’une Russie, membre à part entière de l’Union européenne sans même être membre de l’organisation nord-atlantique ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Ce serait une Russie complètement intégrée au marché européen, plus pacifique à l'égard de ses voisines. L’Europe de l’Atlantique à l’Oural de Charles de Gaulle deviendrait une réalité. L’Europe empiéterait même sur l’Asie, en s’étendant jusqu’à Vladivostok, jusqu’à la péninsule du Kamtchatka, jusqu’à la mer du Japon et des rivages de la Corée. Comme elle serait grande cette Europe ! Et si la Russie adhérait à l’OTAN? Ce qui est sûr c’est qu’on n’aurait pas de guerre aujourd’hui entre deux pays slaves qui sont la Russie et l’Ukraine puisqu’elle serait tous les deux déjà membre de l’alliance. Ou du moins, l’inquiétude des Russes envers l’avancée de l’OTAN vers ses frontières n’existerait pas même si l’Ukraine, la Biélorussie et la Géorgie n’en faisaient pas partie. Ce qui fait qu’aujourd’hui, on peut légitimement se poser la question de la responsabilité des États-Unis et de l’Union européenne dans la guerre d’aujourd’hui. En choisissant de désigner la Russie comme ennemie, en la diabolisant, en l’humiliant, Bruxelles et Washington sont co-responsables, avec Moscou bien sûr, de la guerre russo-ukrainienne actuelle.

Joseph Desrivières François
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