Alexandre Pétion |
Au quartier général de Port-au-Prince,
le 19 octobre 1806.
Madame,
Toutes les lois de la nature les plus sacrées, violées par celui qui porta le nom de votre époux, la destruction générale des véritables défenseurs de l'État, dont l'arrêt était sorti de sa bouche coupable, l'excès du crime, enfin, a fait courir aux armes tous les citoyens opprimés pour se délivrer de la tyrannie la plus insupportable. Le sacrifice est consommé, et la mémorable journée du 17 avait été fixée par la Providence pour le moment de la vengeance. Voici, Madame, le tableau raccourci des derniers événements, et la fin de celui qui profana le titre qui l'unissait à vous.
Quelle différence de la vertu au crime! quel contraste! À peine respirons-nous, après la grandeur de nos dangers, qu'en élevant nos mains vers l'Essence suprême, votre nom, vos qualités inestimables, vos peines, votre patience à les supporter, tout vient se retracer à nos cœurs et à nous rappeler ce que le devoir, la reconnaissance, l'admiration nous inspirent pour vous. Consolez-vous, Madame ; vous êtes au milieu d'un peuple qui consacrerait sa vie pour votre bonheur : oubliez que vous fûtes femme de DESSALINES, pour devenir l'épouse adoptive de la nation la plus généreuse, qui ne connut de haine que contre son seul oppresseur. Vos biens, vos propriétés, tout ce qui vous appartient, ou sur quoi vous avez quelques droits, est un dépôt confié à nos soins pour vous les transmettre dans toute son intégrité ; ils sont sous la sauvegarde de l'amour de vos concitoyens. C'est au nom de toute l'armée, dont je me glorifie aujourd'hui d'être l'interprète, que je vous prie, Madame, d'agréer l'assurance des sentiments qui l'animent pour vos vertus, et dont les traits gravés dans tous les cœurs ne pourront jamais s'effacer.
J'ai l'honneur de vous saluer avec respect,
Le général commandant la 2e division de l'Ouest,
Signé : PETION