Au général Christophe30 germinal (20 avril 1802)Le capitaine Villon, commandant à la Petite-Anse, m’a communiqué, Citoyen Général, la lettre que vous lui avez adressée ; j’en ai donné connaissance au général en chef.Il est aisé de voir, par les détails dans lesquels vous entrez, que vous avez été la victime des insinuations perfides de gens qui ont constamment travaillé à l’anéantissement de la liberté. Pendant leur séjour en France, ils ont embrassé successivement tous les partis, suscité les troubles et les divisions. Après s’en être fait expulser, ils sont venus dans la colonie débiter des mensonges et des calomnies, afin de trouver dans de nouveaux troubles les moyens d’existence qui leur manquaient en Europe. Leur astuce vous a inspiré de la méfiance contre le gouvernement français et contre ses délégués. Mais notre conduite, depuis notre entrée à Saint-Domingue, a dû vous éclairer sur la loyauté de nos intentions. Il y a douze ans que nous combattons pour la liberté ; pouvez-vous croire que nous voulions ternir notre gloire et détruire notre ouvrage ?
Revenez, Général, à des sentimens plus justes, et croyez que vos principes sont les nôtres. La réputation dont vous jouissez dans cette contrée ne devait pas faire présumer que nous trouverions en vous un adversaire du Gouvernement.
Cependant, Général, ce Gouvernement est prêt à oublier le passé. Je vous parle avec la franchise d’un soldat qui ne connaît pas de détours. Revenez de vos erreurs ; votre adhésion aux vrais principes de la liberté peut réparer les maux qui désolent cette belle colonie. Il n’est pas digne de vous de soutenir la cause d’un Toussaint, usurpateur et rebelle. La mère patrie vous tend les bras ; elle est indulgente à ses enfans égarés. Jugez-en par nos procédés envers les généraux Clervaux, Paul Louverture et Morpas et leurs compagnons d’armes.
Si vous avez vraiment l’intention de reconnaître les lois de la République et d’obéir aux ordres de son Gouvernement, venez, Général, vous joindre à nous. Hier, nous vous combattions comme un ennemi ; demain, si vous le voulez, nous vous embrasserons comme un frère.
Je vous propose une entrevue à l’habitation Vaudreuil, Amenez vos troupes et, si nous ne nous entendons pas, je vous donne ma parole d’honneur que vous serez libre, après la conférence, de retourner à vos avant-postes.