Haïtiens,
Quand, il y a quelques semaines, à la tête de mon armée, je quittai la capitale, je crus nécessaire de vous faire connaitre ma détermination.
Tout me commandait d'entreprendre au plustot la campagne de l'Est : mon obéissance au serment que j'ai prêté de maintenir la constitution ; l'imminence surtout d'une invasion étrangère dans cette partie, voilà les motifs puissants qui me guidèrent.
Aucuns sacrifices ne m'avaient couté pour assurer le bien-être de mes soldats et le succès de cette campagne. Mais, j'avais compté sans la trahison.
Déjà à Manuel-Revo les aigles impériales avaient reçu le double baptême de la victoire et du feu ; dèjà à Las Matas, et Baito, nos colonnes, refoulant tout devant elles, avaient pénétré dans les villes de Saint-Jean de Neybe [San Juan de Neyba, ndlr], quand quelques traitres, sortis des rangs de l'armée, vinrent paralyser mes efforts et nous faire perdre le fruit de nos premiers succès.
Les lâches ! Ils n'ont point senti, dans leur aveuglement, qu'ils foulaient aux pieds cette constitution qu'ils avaient juré de défendre ! Ils n'ont point compris, ces indignes descendants des fondateurs de notre indépendance que, répudiant l'héritage de nos pères, livraient à l'étranger le sol de la Patrie, tiède encore du sang de leurs ancêtres !
Dans ces circonstances, je retourne sur mes pas, ajournant l'accomplissement du serment que j'ai prêté de maintenir l'intégrité de notre territoire !
Haïtiens, Soyez calmes ! Votre Empereur veille sur vous ! Je vous ai donné la tranquillité, je saurai vous la conserver. Déjà les traitres ont payé de leur vie leur conduite infâme :
Officiers et soldats qui êtes restés fidèles à votre serment, je suis content de vous. Quelques traitres de moins et notre mission était accomplie. Aussi, retournez dans vos foyers le front haut, car vous avez fait votre devoir.
Vive l'indépendance !
Vive la constitution !
Nota : Cette proclamation aux Haïtiens et à l'Armée de Faustin Soulouque a été publié le 27 janvier 1856 après des défaites successives dans l'Est de l'île. Ces dernières ont mis fin à son ambition de reprendre la partie dominicaine de l'île aux mains des insurgés nationalistes et a participé à la fragilisation de son pouvoir, la fin de son règne et la consolidation de l'indépendance de la République dominicaine.